La Mathis 333 de Jean ANDREAU coule des jours paisibles dans un musée de Californie : (The Tampa Bay Automobile Museum). Son nouveau propriétaire a procédé à une restauration de grande qualité et ... elle roule à nouveau!
On rappelle que cette automobile conçu en 1946 consomme 3 litres au 100 km !
Un article rédigé par le claviste fait le point sur l’énergétique des véhicules routiers :
Nous reproduisons ci dessous le rapport de restauration :
Mathis 333 - le point
La voiture a été restaurée :
- La structure en aluminium a parfaitement résisté depuis 1946. Il y avait seulement une faiblesse sur un côté au niveau de la suspension. La coque aluminium de Jean Andreau est un succès technique.
Le moteur avait beaucoup souffert. Les chemises des cylindres étaient coniques et nous avons du réaléser, ayant peur de sortir les chemises du bloc en alu. la cylindrée est donc très légèrement supérieure à l'original. Tous les accessoires ont été sérieusement révisés. Des ventilateurs avaient été ajoutés sur chaque radiateur. Après nettoyage des radiateurs, ils ont été supprimés. Le moteur a tourné au soleil de Floride pendant une heure au ralenti sans échauffement inconsidéré. Les essais sur route ont été également concluants.
- La tenue de route et la suspension sont bonnes. La boîte de vitesse va nécessiter une révision.
- Le siège arrière manquait et a été remplacé. Par contre il n'y a pas de place pour la roue de secours. Le logement visible dans le plancher des premiers prototypes a disparu et deux boîtes à outils sont incorporées sous le siège avant.
Il faut faire un choix entre un troisième passager et la roue de secours. Aujourd'hui ce serait normal mais en 1946, c'est anormal..
Sur ce dernier (?) prototype le réservoir à essence est en charge sous l'auvent et la batterie a pris sa place à l'arrière. Le seul problème est le manque d'accessibilité à l'arrière du tableau de bord.
En conclusion la 333 est une excellente création, née il ya plus de 70 ans. C'est la vieille histoire du conservatisme qui tue l'innovation.
Il reste à savoir pourquoi la 333 en est resté à l'état de prototype. De fait, en raison du manque total d'archives contemporaines du Salon de l'Auto de 1946, que ce soit chez le Gouvernement (plan Pons, homologation) chez les partenaires tel l'Aluminium Français ou chez Mathis, il faut avoir recours à l'imagination.
Nous avons identifié cinq raisons :
1/ Difficultés de construction.
La coque en alu de 1mm d'épaisseur avec 2000 points de soudure pouvait effrayer, bien que Chausson soit capable de sortir la Dyna Panhard, peut être moins radicale du fait de la structure en aluminium moulé. Cela devait avoir une incidence sur le prix de revient. Par contre la motorisation, bien que partiellement issue de l'aéronautique, était sans problème.
2/ Marketing.
La France n'aime guère les voitures à deux portes (2 cv Citroën ou 4 cv Renault.) Les trois places, les trois roues, autant d'éléments propres à rebuter un client potentiel et assez puissants pour effrayer un marketing prudent.
3/ Problèmes financiers.
L'usine de Strasbourg est détruite. Emile Mathis, tardivement de retour des Etats Unis, ne fait plus d'investissement à titre personnel dans ses entreprises.
4/ Le plan Pons.
Il ignorait Mathis. Il semble que ce n'était pas une barrière absolue. Encore fallait-il une volonté et une ténacité pour l'infléchir. Panhard est passé, Pigozzi a récupéré Simca. L'homologation, d'après un document de Jean Andreau, avait été prévue et une voiture était préparée, de fait celle du Salon. Dans sa note Jean Andreau craint les gens en charge de l'homologation. Pourquoi ? mystère. Jean Albert Grégoire s'entendait très bien avec Paul Marie Pons.
5/ Aluminium Français
Ils avaient deux poulains pendant la guerre l'AFG de leur ami Grégoire et la 333 de Jean Andreau. L'A.F. a investi financièrement dans les deux projets. Etait-il possible de pousser deux projets au lendemain de la guerre ou fallait-il en sacrifier un ? Les archives relatives à Andreau et à la 333 ont été égarées mais dans une Assemblée Générale, suivant la fin de la guerre, il est dit qu'un seul projet, conçu pendant la guerre, existait à la Libération. Curieuse amnésie concernant la 333 quand leur revue publiait à la même époque un artIcle exhaustif de Jean Andreau sur sa voiture.
Il suffit d'additionner ces cinq raisons pour expliquer l'abandon de la 333. Si un jour des archives sont découvertes, nous en saurons plus.
Nous ne pouvons que regretter l'abandon du projet. Le succès de la 333 dans notre Musée est tout à l'honneur de Jean Andreau.
Alain Cerf
26/9/2014.