lundi 18 mars 2013

Visite de la mecque de la course au large : Lorient.

Grace à nos activités de Sauvetage Créatif du Savoir Aérotechnique au travers des association INTER ACTION (http://inter.action.free.fr/) et AERODYNE, nous avons, au cours du temps, noué des contacts avec Denis GLEHEN, directeur du bureau d'étude GSEAdesign (http://www.gseadesign.com/) spécialisé dans le calcul de structures composites et en particulier des mâts de voiliers de course.

A la suite de la présentation à nos étudiants du film "COURSE AU LARGE, Fabrication des voiliers IMOCA OPEN 60 & VOR 70", Denis Glehen nous a proposé de venir visiter la Mecque de la course au large installé à Lorient.

Ce genre de proposition ne se refusant pas, nous voici partis vendredi dernier vers l'ouest c'est à dire vers Lorient :-)

Le rendez vous est fixé avec Denis dans l’ancienne base des sous marins de Keroman.



Arrivé sur place avec un temps breton, nous nous sommes retrouvés pour déjeuner en compagnie de Loïc Dorez, responsable du bureau d'études de GROUPAMA sailing team.  Deux professeurs de bureau d'études mécaniques en compagnie de deux ingénieurs qui travaillent sur des projets en pointe, inutile de préciser que les discussions furent passionnées et très instructives.

Depuis l'an 2000, la course au large s'est professionnalisée. Des "écuries de course" se sont constituées avec des équipes de conception, de fabrication, des skippers et des mécènes. Le skipper et le bateau constitue la pointe de l'épée d'une équipe dont le travail dans l'ombre est très important. Loïc Dorez nous détaille le fonctionnement d'une écurie de course, son rôle dans l'équipe, la nécessité d'avoir des fournisseurs stables (i.e. ne dépendant pas uniquement des commandes fluctuantes des écuries de compétition afin de garantir une qualité de production constante etc ....). 


Après le déjeuner, la visite commence par l'équipe GROUPAMA.
Un grand bâtiment accueil le bureau d'étude et un grand hangar de préparation. 



 Dans le hall d'entrée, un tronçon de mât de voilier de course astucieusement décoré permet de prendre la mesure de l'échelle !


Une vue de détail permet d'observer la composition des peaux du tube de mât. Carbone, nid d'abeille, carbone.


 Quelques maquettes d'essais en bassin de carène.


Le BE travaille sur Solidworks essentiellement. Actuellement l'équipe travaille surtout sur l'acquisition de savoirs et de savoirs faire sur les ailes qui tendent à remplacer les voiles dans certaines courses (Coupe de l'America). 
Quelques vidéos des intervenants et de leurs travail.


Denis nous présente des maquettes de principe des volets installés sur ces ailes qui permettent de vriller l'aile de bas en haut.

la visite continue ensuite par la salle des trophées. Très chouette !

  

Puis visite du hangar de préparation et là : photos interdites pour cause de projets "sensibles". Les techniciens que nous sommes se régalent et on peut vous dire qu'il va y avoir du spectacle dans les prochaines courses. 
Sachant que la traînée hydrodynamique représente 90% de la puissance consommée, la physique pousse les concepteurs à réduire le plus possible les surfaces mouillées. Les choix de conception en découlent directement et sont assez faciles à deviner :-)

On mesure quand même la taille de la quille du VOR 70 GROUPAMA IV.
A noter le bulbe qui présente une forme optimisée suivant les critères suivants :
- Maximiser le rapport volume/surface pour loger le plus de masse possible dans le moins de surface possible, et donc le moins de traînée possible. Cette forme s'éloigne des solides de moindre traînée définis par Gustave Eiffel (solides de révolution, de longueur égale à trois fois le diamètre moyen et dont le maître couple est au premier tiers) et se rapprochent plus des formes de dirigeable qui ont le même critère d'optimisation.
- Maximiser le couple de rappel en augmentant le bras de levier au maximum et donc en "aplatissant" le bulbe !

Ensuite : Visite de la salle des voiles. Au plafond, les mâts calculés par Denis. C'est très grand !  Des solutions d'accrochage des haubans simples et élégantes. 




Après le calcul, la fabrication : Visite de la société LORIMA (http://www.lorima-carbon-mast.com) spécialisé dans la fabrication des mâts en carbone. Cette société est installée dans trois nefs de l'ancienne base des sous-marins de Kéroman à Lorient. 


Nous sommes accueillis par le président de lorima Vincent MARSAUDON qui très gentiment nous fait faire une visite complète de ses installations.  


Vincent MARSAUDON nous détaille le processus de fabrication d'un mât en carbone, de la fabrication des moules, au drapage des lés de tissus conformément au plan de drapage fournis par le concepteur. Pour les très grandes longueurs de mâts, un emmanchement conique  formant enture est pratiqué à mi longueur.
Une fois drapé  l'ensemble du moule est introduit dans un four autoclave pour une cuisson sous pression. 



Notre visite se poursuit par la découverte d'un chantier naval en train de reconditionner l'IMOCA Banque Populaire d'Armel Le Cléac'h. Une fois la course terminée, les skippers passent sur d'autre projets et les chantiers doivent travailler d'arrache pied pour remettre en état les bateaux pour les futurs clients. La livrée bleue a déjà disparue de la coque.


Pont en aile de mouette, une idée de Desjoyeaux pour augmenter la taille des voiles !


Visite de la plate forme et du cockpit .


Le "moulin à café" permettant d’entraîner les différents winch (cabestan)
L'exploration de ces voiliers de course mets en évidence le rapport PERFORMANCE/SIMPLICITÉ adopté partout sur le bateau. Ainsi, les commandes de winch réalisées par des drisses coincées sur la colonne du moulin à café. C'est très simple, léger et surtout facilement réparable. 
Les ingénieurs inexpérimentés sont souvent tentés par la sophistication : Or la sophistication c'est l'ENNEMI n° 1 !
Il faut adopter partout la technique KISS : Keep It Simple Stupid !
L'intégration des fonctions est également omniprésente avec le soucis permanent de faire jouer à une même pièce plusieurs fonctions.
 Une belle illustration de cette simplicité de conception : le système d'écope pour remplir et vidanger les ballastes d'équilibrage : il s'agit d'un simple tube qui coulisse dans une traversée de coque cylindrique et dans lequel est pratiqué une ouverture à la base. Trois positions peuvent être vérouillées par le skipper.
- Une position "écopage", ouverture face au courant. On bénéficie ainsi de la pression dynamique du fluide engendrée par la vitesse de déplacement du bateau pour accélérer le remplissage.
- Une position fermée.
- Une position "vidange", ouverture dos au courant. On bénéficie ainsi de la dépression engendrée par la vitesse de déplacement du bateau pour accélérer la vidange.
Rusé !




Denis Glehen et Pascal Martinelli dans le cockpit de Banque Populaire.
 Visite de la soute à voile. 

Quille de Banque populaire.
Safran

Après les monocoques, les multicocques !
Visite de KEROMAN technologies, filliale de CDK.
Nous sommes accueillis par Nicolas Baral, très sympathique directeur technique, manifestement heureux de faire un beau métier :-)

Le petit gnome (Pascal Martinelli) visible sur la photo ci dessous donne l'échelle ! Il s'agit du maxi trimaran (40m) Banque Populaire V qui a été conçu dans le but de battre les plus importants records océaniques en équipage.
Record du monde de traversée de l'Atlantique nord en 3 jours, 15 heures, 25 minutes et 48 secondes (soit une vitesse moyenne de 32,94 nœuds).
Vainqueur du Trophée Jules-Verne en 45 jours, 13 heures, 42 minutes et 53 secondes !!!


 Magnifiques entrées d'eau.



 La visite des quartiers de l'équipage à de quoi refroidir les plus motivés. C'est plus que spartiate !!
 Dans le chantier, un autre trimaran en travaux.

Après toutes ces visites, nous nous sommes retrouvées autour d'un verre (tradition bretonne :-) pour discuter avec Denis Glehen de son métier et du métier d'ingénieur en général. 
Bien que professionnel dans le domaine du calcul et de la simulation des structures composites, Denis souligne l'importance des outils "classiques" de la résistance des matériaux (théorie des poutres, des coques etc ...) dans le pré-dimensionnement, la modélisation des structures. Avec l'expérience, des calculs de "coin de table" permettent d'approcher très rapidement les ordres de grandeurs pour un "coût" faible.

Nos remerciements les plus vifs à Denis GLEHEN et tous ses amis Lorientais pour leurs accueils. 
En forme de petit rappel, le petit film que nous avions montés pour les étudiants de l'IUT : 




Et pour continuer à découvrir l'aventure de la construction d'un VOR 65, quelques vidéos :